The dead are not dead
Le seuil international de pauvreté d’un dollar par jour a été introduit en 1990 par la Banque Mondiale. Ce seuil est maintenant à 2,15 Dollars par jour par individu. Cette approche purement monétaire est de plus en plus contestée compte-tenu du caractère multidimensionnel de la pauvreté.
C’est dans cette optique que l’approche de l’Indice de Pauvreté Multidimensionnelle (IPM) a été mis en place pour appréhender la pauvreté́ à partir de trois dimensions : santé, éducation et niveau de vie.
L’IPM traduit ainsi les privations à l’accès à ces domaines subies simultanément par les membres d’une même famille. A partir de ces critères, j’ai réalisé ce projet qui est un projet personnel et auto-financé. Je voulais faire un constat du déterminisme social lié à la pauvreté à travers l’histoire de Justine Ravoniriana. Je ne voudrais pas en faire une démonstration mais de donner à voir le quotidien de cette femme dans sa banalité pour que l’on appréhende le processus qui la maintient dans la pauvreté. Pas elle seule, mais toute sa famille, par le non accès essentiels du développement d’un individu. Justine m’a généreusement livré son histoire et accepte qu’elle soit révélée et publiée.
À 32 ans, Justine Ravoniriana est une mère célibataire de 6 enfants. L’aînée a 13 ans et le dernier vient juste de naitre. Lors de sa dernière grossesse, son compagnon l’a abandonnée, incapable d’assumer son rôle de père. Justine habite à Anosibe, l'un des quartiers populaires de la capitale où vivent les familles les plus démunies. Pour 12 euros par mois, elle occupe avec ses 6 enfants une pièce de 12m².
Elle est « lessiveuse ». Cela signifie qu'elle lave le linge des autres. Elle gagne ainsi 1 euro par lessive, 2 à 3 fois par semaine. Ce travail est effectué par beaucoup de femmes du quartier, qui comme elle, n’ont pas pu aller à l’école au-delà du primaire.
Ses enfants ne vont plus à l’école depuis l’abandon du foyer par leur père. Pour aider Justine, sa fille ainée Riantsoa va chercher de l’eau à la fontaine pour d'autres familles, et gagne 0,50 euro par jour. Son fils Lucas, âgé de 11 ans, chante dans les bus en espérant récolter quelques sous.
Justine ne bénéficie d’aucune aide sociale. Elle espère que ses enfants pourront bientôt retourner à l’école et que leur maison sera mieux aménagée, pour que l’eau stagnante de leur quartier ne rentre plus à l'intérieur quand il pleut. L’histoire de Justine n’est pas un cas isolé. Il est hélas très fréquent dans les quartiers défavorisés d’Antananarivo.